« Le ciel de Nantes rend mon cœur chagrin »… Excusez-moi de commencer ainsi la chronique du trivial 57eme congrès de l’UMIH par les mots sublimes de la magnifique Barbara. Mais j’en reviens également avec du vague à l’âme. Seule certitude il pleuvait, et du gros grain même. Le Parti Socialiste a eu son congrès de Rennes, l’UMIH celui de Nantes : la Bretagne serait-elle terre d’antagonisme ?
C’est Monsieur Hulot qui a ouvert le congrès ! Pas le monsieur Hulot des « vacances », mais Maître Hulot, huissier de justice requis pour attester du déroulement des travaux. Curieuse entrée en matière, avec la présence de son double dans la salle, imposé par les contradicteurs. On constatait bien depuis des semaines que les esprits s’échauffaient. Les mails faisaient rage. On voit comment ces nouvelles technologies de la communication ont un pouvoir, peut être excessif, à monter très rapidement les controverses en épingle. S’il fallait attendre le facteur, on aurait alors le temps de la réflexion et beaucoup moins de monde s’en mêlerait. La tenue d’une assemblée générale extraordinaire serait à même d’aplanir les malentendus. Christine Pujol, – présidente élue en septembre 2008, et ses amis le savaient bien ; avoir refusé à plusieurs reprises cette assemblée amènerait du grabuge. La contestation avait été bien organisée ; dès que l’assemblée générale a commencé, les slogans réclamant une AGE ont fusé. Deux initiatives contestables ont ensuite alourdi encore plus l’ambiance. En premier, la tentative d’avancer la thématique sur le handicap et un de ses participants aveugle, afin de culpabiliser les perturbateurs. Enfin, la venue sur scène de nervis – soit disant adhérents locaux, afin de maintenir l’ordre. Courageuse, bien que visiblement perturbée, Christine Pujol a présenté son rapport moral. Elle ne fut interrompue qu’une fois, par la honfleuraise Catherine Chouridis qui avait réussi à traverser la ligne des vigiles et avait réclamé l’intervention du Président du comité de Surveillance. Sans micro et pendant que le trésorier détaillait le rapport financier, le susdit président du comité de surveillance, André Daguin lui-même, annonçait la tenue de l’assemblée générale extraordinaire totalement recevable, d’après son comité des sages. Plus, qu’elle était même inéluctable en raison de la grande majorité des délégués qui en avait fait la demande par écrit. Les deux tiers des participants partent alors dans une autre salle afin de tenir cette fameuse assemblée. Aux manettes, le patriarche, la main sur le cœur, affirmant qu’il n’intervenait, – en se faisant prier, que pour sauver l’UMIH, sans aucune arrière pensée ni prise de position partisane. En ajoutant que si le vote en décidait, il resterait seulement trois mois, jour pour jour, suivant les statuts, afin d’organiser une prochaine élection et pas un jour de plus. Les statuts, parlons-en : ils ont été tricotés au cours des ans par le rusé Gascon ! Une armée d’avocats fera fortune avant d’avoir compris si la destitution de l’Audoise était légitime ou non. Elle fut votée, comme on pouvait s’y attendre, à la quasi-unanimité.
L’après-midi et le deuxième jour de congrès se déroulèrent plus calmement dans les branches où les partisans de la présidente furent cependant battus très largement aux élections. On réussit même à aborder quelques sujets de fond, notamment à la Fédération Nationale de la Restauration Française, où eu lieu un passionnant débat sur la formation et le bac professionnel.
Christine Pujol et André Daguin se présentèrent cependant tout les deux pour signer une convention devant des invités et la presse médusée. Personne ne signa. Il faut noter la détermination et le courage de la présidente qui participa comme si de rien n’était aux soirées organisées en marge du congrès, notamment celle traditionnelle et festive de l’Inter-fédération du Midi. Le déroulement de l’assemblée de clôture fut négocié afin de finir dignement. Ce fut Philippe Quintana, président de la Loire Atlantique, cheville ouvrière de ce congrès, magnifiquement organisé dans sa forme, qui dirigea les débats
Tout cela, c’est ce qu’un journaliste objectif aurait pu vous raconter. Mais à l’approche d’un échotier chez nous, les bouches se ferment ; et ce congrès-là fut, plus que tout autre, celui des couloirs. Ne comptez pas sur moi pour rapporter ici les coups les plus bas venus des deux cotés bien avant d’arriver à Nantes, mais plutôt faire état des discussions entre délégués passionnés mais respectueux, chacun essayant de convaincre sans haine, son ami ou voisin de région, du bien-fondé de sa position. Je dois dire que je fais partie de ceux qui ont réclamé une reprise en main du syndicat. Dans plusieurs de mes articles, je vous ai parlé des difficultés de Christine Pujol à communiquer efficacement, tant en direction des adhérents que des médias, et de l’opinion publique (l’interview par Elkabbach sur Europe1, le matin de l’ouverture du congrès, est un modèle de nullité). Ce n’aurait pas été dommageable si à coté de cela, elle avait su s’entourer : mais elle a fait le vide, se débarrassant au plus vite de son prédécesseur et de ses amis, puis de ceux- la même qui l’avait poussé à la présidence. Jusqu’aux permanents de la rue d’Anjou qui ont pris à Nantes le risque de l’insubordination. Il est certainement difficile de succéder à un personnage charismatique, et il fallait aussi faire un peu de ménage, – mais il y a des manières quand l’environnement de crise réclame l’union. A quoi sert cette crispation avant et pendant le congrès alors même qu’une large majorité de ses mandants veulent la voir partir ? Gagner quelques mois dans la confusion plutôt que de choisir une sortie digne ? Alors que notre profession est attaquée de toute part ? ‘L’Hôtellerie’ de cette semaine rappelait qu’elle n’a pas été la première à avoir été débarquée de façon un peu inattendue dans l’histoire de notre vieille maison : c’est arrivé à d’éminents personnages, Marcel Bourseau en 1979 et Alphonse Roustan en 1982. Il aurait fallu diriger l’UMIH de façon collégiale, sans ostracisme envers les perdants, plutôt que de reproduire les comportements que l’on reprochait à son prédécesseur, mais sans en avoir la carrure. Les temps ont changé. Ce sont, à mes yeux, les principaux reproches que l’on peut lui faire.
Que nous rétorquent ses partisans qui par ailleurs lui reconnaissent des lacunes ? Sa légitimité, – par son élection massive au premier tour, et la nécessité d’être loyaliste. Je pourrais l’entendre s’il n’y avait pas urgence. Le procès en sexisme et le règlement de compte politique (accusations reprises dans une lettre post-congrès un peu trop haineuse du pourtant estimable et distingué Philippe Quintana) sont des réflexions que je n’ai jamais entendues dans la bouche de personne. De fait, tout le monde savait bien avant de l’élire que c’était une femme engagée au PS.
Alors quid de la théorie du complot ? Réaction de Daguin vexé d’avoir vu sa candidate parisienne battue, ainsi que d’être remercié un peu rapidement ? Il est certain qu’il doit jubiler après avoir, peut être, soufflé un peu sur les braises. Peut être espère t’il remettre en selle Geneviève Roy ? C’est possible… Réaction des Barons qui ont pourtant participé à son élection et qui pensaient pouvoir l’influencer ? Il est bien visible que les ambitions de certains sont énormes. Il faut toutefois les mettre en garde, c’est par la base, – plus que par les manœuvres de salon, qu’ils gagneront une légitimité. Quand on évoque les complots, on parle toujours de la Franc-maçonnerie, qui serait omniprésente au sein de notre organisation. On serait manipulé… Ces manœuvres d’appareils, des deux cotés, me laissent un goût détestable, et j’espère que l’on se ressaisira au plus vite. Devant nous la tâche est immense, et j’espère pouvoir encore travailler pour ce syndicat que j’ai aimé pendant mes vingt ans de militantisme.
Je n’ai pas vu grand-chose de la belle ville de Nantes. Au 25 rue de la Grange-aux-loups, qui n’existait pas quand Barbara le chantait, j’ai appris que s’y trouve un sinistre immeuble gris.
Tout fout le camp…
Mon cher aubergiste,
c’est avec grand plaisir que je viens de lire votre billet pour lequel je vous livre pèle-mêle quelques réflexions :
1- l’ouverture du congrès par un handicapé n’était pas une une grossière manœuvre pour apitoyer la foule, mais un choix du bureau de l’UMIH 44/49 au mois de mars 2009, donc bien avant les turbulences. Ce choix était logique puisqu’il introduisait la problématique de l’accessibilité en 2015.
Il est vexant que vous pensiez que je puisse être aussi minable !
2- la finalisation des négociations sociales prévue pour le 30 novembre ne méritait-elle pas une union, même de façade ? Avant le congrès, j’avais demandé à l’opposition » par l’intermédiaire d’Hervé Bécam l’organisation d’une réunion de sages de notre OP pour trouver un accord, calmer la situation, et envisager une AGE en décembre (j’en étais totalement partisan car j’étais conscient que C.Pujol ne pouvait pas se maintenir).
J’ai reçu une fin de non recevoir qui peut s’expliquer par la planification des futures élections.
3- C.Pujol a été magnanime en conservant à leur poste en septembre 2008 tous ses primo opposants.
C’est certainement une de ses grandes erreurs.
A cela, vous rajoutez les statuts des branches et de la présidence confédérale, et vous arrivez à une Présidente élue et une assemblée (directoire) composée d’une grande part de ses opposants (partisans ou candidats battus).
4- le club « Tour Eiffel » : pour l’avoir vécu de l’intérieur, l’insistance de Jacques Bellin pour que l’UMIH adhère, avec le risque de se dissoudre, dans cette superstructure était pesante. Je vous rejoins quand au positionnement du GNC qui ne peut être dedans et dehors.
Cet entrisme doit certainement cesser, et la forte demande de la reconnaissance du SNRTC comme syndicat représentatif peut laisser envisager un rapprochement des fonds de pension…pardon, des chaînes.
5- mes propos haineux dans l’Industrie Hôtelière : Je n’ai pas déversé que du fiel et je ne regrette pas un mot écrit.
Les personnes stigmatisées méritent de l’être en raison de leur duplicité, de leur ambition personnelle (Confédérale ou CESE).
Tout le travail d’un département pour offrir un congrès que vous qualifiez, et je vous en remercie, de « magnifiquement organisé dans sa forme », a été massacré. J’avais pourtant à maintes reprises demandé « Trêve et Respect », et je n’ai pas digéré que ceux que je considérais comme des amis, des frères d’armes dans le combat pour l’obtention de l’équité fiscale nous trahissent.
Je n’accepte pas cette impatience imbécile et coupable.
6- Pour les permanents de la rue d’Anjou, je pense que, comme souvent, certains savent où ils vont et sont peut-être stipendiés; la grande majorité suit les « conseils » rassurants des cadres juridiques et d’élus UMIH qui, par le biais d’un fonds abondé par UMIH Formation, leur assurera le paiement de leurs jours d’absence…
Pour terminer, je souhaite que se terminent ces guerres picrocholines, désastreuses pour l’image de nos métiers.
Elles vont à l’encontre de notre engagement syndical.
« Nantes : peut-être avec Paris, la seule ville de France où j’ai l’impression que peut m’arriver quelque chose qui en vaut la peine, où certains regards brûlent par eux-mêmes de trop de feux […], où pour moi la cadence de la vie n’est pas la même qu’ailleurs, où un esprit d’aventure au-delà de toutes les aventures habite encore certains êtres, Nantes, d’où peuvent encore me venir des amis… » écrivait André Breton dans Nadja.
Après notre vécu, c’est très juste. Qu’en pensez-vous ?
A bientôt et bien cordialement.
Philippe Quintana
Monsieur Quintana,
Je suis heureux de savoir que vous avez lu avec grand plaisir cet article sur le congrès de Nantes. Cela veut dire que tout ne va pas si mal à l’UMIH.
Je ne veux pas entrer dans une polémique de détail avec vous, d’autant plus que, comme il me semble, vous avez parcouru plusieurs de mes billets et compris que nous avions de nombreux points de convergence (GNC, statuts etc.) Rassurez vous, je ne pense pas que vous soyez un minable et suis même très honoré que vous ayez pris la peine de ce long commentaire. Il amène des éléments nouveaux qui ont leur place pour la compréhension des choses et si ce modeste blog pouvait devenir un lieu d’échange et de compréhension mutuelle entre tous ceux qui réfléchissent à l’avenir de nos métiers je serais ravi.
J’ai un peu menti dans ce billet, j’ai déserté un matin ce congrès pesant pour flâner dans les rues de votre belle ville. De la librairie Atalante j’ai même ramené de beaux polars. Je reviendrai à Nantes car je ne doute pas, comme André Breton, qu’il puisse m’en venir des amis.
Cordialement
L’aubergiste