Identité Nationale et soupe aux choux.

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Un débat sur l’identité nationale ? Pourquoi pas dans cette époque de mondialisation ? Si cela pouvait être l’occasion de définir les valeurs qui ont construit la France et de déterminer celles auxquelles les français sont attachés afin d’en faire le socle des politiques futures. Mais est-ce bien cela que l’on nous propose ?

Pour se faire élire, Nicolas Sarkozy a siphonné les voix du Front national, d’une part en annonçant la création du Ministère de l’identité nationale et de l’immigration, et par la suite en stigmatisant les populations immigrés. On se souvient du Karcher et de l’égorgement du mouton dans les baignoires. Il s’agissait  bien de séduire le petit nombre de français qui, par ignorance, bêtise ou peur de la différence, – qu’ils jugent insurmontables,  ont des attitudes racistes, ou sont même complaisants avec son expression politique. Je ne nierai pas les problèmes économiques et sociaux découlant d’ une immigration difficilement contrôlable et la ghettoïsation des quartiers à la périphérie de nos villes. Les politiques positives demandent de l’imagination, des moyens importants et beaucoup de courage. Ce gouvernement a creusé les inégalités et a abordé par le tout-répressif les problèmes d’insécurité grandissants qui en sont le résultat. De ce fait, la société se crispe, les comportements se radicalisent, la cohésion de la nation semble menacée. Le pyromane crie maintenant au feu car les élections arrivent !

La ficelle est grosse. C’est le Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire qui est chargé d’orchestrer le débat. Ministère qui s’est singularisé par la chasse, – parfois  inhumaine, aux sans-papiers. Le message ne saurait être plus clair : comme le pense le sinistre Monsieur Hortefeux, « ce sont les noirs et les arabes qui menacent notre identité nationale ». Monsieur Le Pen peut aller se rhabiller, car il a trouvé son maître et ses électeurs l’ont bien compris. Tout le reste, à savoir débats d’intellectuels et des forces vives dans chaque département, n’est que péripétie, et en définitive de l’enrobage destiné à occulter dans les médias les vrais problèmes du pays. Quelle aubaine ! Du bel ouvrage !

Dans l’inventaire devant servir de trame aux préfets pour mener les débats se trouvent les arts culinaires. Effectivement, la façon de se nourrir participant à caractériser les peuples, il sera intéressant de comprendre comment s’est construit ce que l’on appelle « le patrimoine gastronomique ».

Le patrimoine gastronomique s’est construit d’abord au fil du temps. La très grande majorité des fruits et légumes présents sur les étals de nos marchés étaient complètement inconnus de nos ancêtres les gaulois. De cette période, redevenue très à la mode, on pourra retenir une bonne soupe aux choux avec un peu de lard salé et agrémentée de quelques racines. Ensuite, il faut attendre les moines du Moyen-âge et quelques rois développeurs de l’agriculture comme Charlemagne, pour généraliser la vigne et les vergers. Mais c’est surtout la Renaissance qui amena aubergines, melons, asperges, petits pois et bien d’autres venues d’Afrique ou d’Asie via l’Italie. Que seraient nos cuisines traditionnelles sans les tomates, les haricots ou les pommes de terre ? Bien qu’elles ne soient arrivées des Amériques qu’après Christophe Colomb, cela ne fait pas plus de trois siècles que les français les dégustent ! Jusqu’à la baguette de pain, symbole franchouillard s’il en est, inexistant avant 1920.

Le patrimoine gastronomique s’est ensuite construit par l’échange, les voyages, la curiosité des autres, et la générosité. Acteurs de ces échanges – les marchands important les épices de Chine ou des Indes, – les moines passionnés transportant des ceps de vignes d’un bout à l’autre de la terre en inventant greffes et bouturages, – les peuples migrants fuyant les persécutions, les aléas politique ou la misère : juifs andalous, russes blancs, pieds noirs d’Algérie, portugais, italiens, maliens ou chinois, tous ont proposé et propagé leurs traditions culinaires.  Tels les paysans devenus soldats dans de lointaines campagnes qui ramenaient quelques graines dans leurs vareuses. Et que dire de la complicité généreuse de générations de cuisinières transmettant et échangeant  des recettes !

Le patrimoine gastronomique s’est aussi construit  avec quelques coups de pouce du destin, comme la Révolution de 1789, qui a jeté à la rue des escouades de cuisiniers obligés, après la fuite de leurs patrons aristocrates, d’inventer les restaurants et d’y rivaliser d’imagination pour attirer le client. Ajoutez à cela une géographie très variée qui permet toutes les cultures, et vous avez la gastronomie de la France. Gastronomie de la France, mais pas toujours gastronomie française : couscous arabe, paella espagnole, nems vietnamiens ou chinois,  pâtes et pizza italiennes sans oublier : bouillabaisse, cassoulet et garbure occitans,  axoas basques, potée auvergnate, kouign-amann breton et baeckeofe alsacien, et bien d’autres… Les français partagent ce patrimoine, mais si le but du débat sur l’identité nationale est de ressouder la nation, il faut rappeler aux apprentis sorciers ceci : trop remuer la marmite peut provoquer son éclatement !

La cuisine est affaire de cœur et de générosité,  vertus qui manquent gravement aux politiques instigateurs de ce débat. Alors, Monsieur Besson, s’il vous plait, oubliez nos gamelles.

À propos de archestratos

le blog d'un aubergiste, c'est à dire hôtelier, restaurateur et cuisinier de la france profonde. Syndicaliste, humaniste, democrate
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2 réponses à Identité Nationale et soupe aux choux.

  1. Céléguègne dit :

    merci pour votre commentaire, je vous renvoie le compliment… nous avons besoin d’espaces comme celui-ci pour faire avancer nos propositions… les lecteurs viendront, j’en suis certain… j’ai déjà mis un lien vers le mien sur ma page Facebook et je pense qu’il est fort intéressant d’utiliser les réseaux sociaux pour proposer, convaincre, et non se lamenter, attendre toujours plus des autres, régler des comptes personnels, etc.
    Amitiés démocrates…

  2. Je ne peux qu’être d’accord avec ce qui a été dit par Céléguègne, et j’encourage chacun à le faire :-)

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