
J’ai hésité à titrer ce billet « Pour en finir avec les élucubrations de Monsieur Denamur ». J’y ai renoncé. D’abord parce que cela aurait été présomptueux tant le personnage est coriace ; s’il ne devait en rester qu’un à persister dans l’erreur, ce serait lui, à coup sûr ! Ensuite, parce que je suis démocrate, et bien que souvent il m’agace, – autant qu’il m’amuse, ses propos contradictoires déposés au bas de mes pages me manqueraient certainement. Pour employer une comparaison un peu osée, je dirais qu’il est un peu comme un de ces champignons microscopiques que l’on contracte sur une plage ou à la piscine et qui se niche entre les orteils. La démangeaison est juste suffisante pour vous tenir compagnie, – si vous n’avez rien d’autre à penser, mais vous vous jurez bien que le soir venu, vous lui ferez sa fête avec moult pommade et bain de pied.
Pour être sérieux, je veux bien concéder à Xavier Denamur le crédit de sa bonne foi et ne pas alléguer que c’est sa mégalomanie qui le pousse à être seul contre l’ensemble des restaurants français, 100 000 environ, – dans le seul but de passer à la télévision ! Parfois j’en doute, tant il pratique l’amalgame et la désinformation. Je préfère penser que c’est son jusqu’auboutisme forcené qui lui fait œillères. Avant la baisse, il s’en trouvait toujours un (ou d’autres) par département qui snobaient les manifestations de l’UMIH, prétextant que cela ne profiterait qu’aux marchands de soupe. Sous entendant qu’eux-mêmes, parangons de la profession, n’en avaient nul besoin. Ils se sont rendus à la raison, car la mesure a souvent protégé leurs entreprises des effets dévastateurs de la crise. En quelques mots et chiffres officiels indiscutables : 29 500 emplois créés en un an alors que l’engagement était de 20 000, un milliard d’euros de mesures sociales, et une mutuelle santé étendue à tous les salariés de la branche. Disparaît ainsi une injustice fiscale. Point noir, la faille de la baisse des prix insuffisamment suivie dans laquelle s’engouffrent tout les contempteurs de cette disposition ainsi que Monsieur Denamur alors qu’il n’a même pas rendu un seul centime à ses clients ! Il faut comprendre que ceux, notamment provinciaux de l’UMIH, qui avaient depuis des années manifesté, ont tenu les engagements ; ils savaient les besoins vitaux de leurs entreprises. Ceux des rues parisiennes dont les trottoirs restent encombrés de clients potentiels de midi à deux heures du matin (comme par exemple la rue Vielle du Temple), n’ayant besoin de rien, et n’ayant rien réclamé, ne se sont sentis engagés à rien, même pas, et c’est triste à la solidarité.
Monsieur Denamur prône obstinément le retour de la TVA à 19,6%. Mais en retour, comme il affirme comprendre les difficultés d’un restaurateur d’un chef-lieu de canton de la France profonde, il a un plan d’aide à la restauration en échange ! Il me fait penser à ce genre de personnages présents dans nombre de réunions, qui veulent toujours avoir le dernier mot et coupent les cheveux en quatre.
Qui a lu ses 10 propositions ?
– Les journalistes qui lui laissent sur les radios ou les TV quelques minutes qu’il tente de mettre à profit à un rythme de parole impétueux ? Elles seront en effet son sésame pour d’autres micros… J’en doute, tellement ils sont heureux de l’avoir dégoté pour compléter leurs témoignages de clients qui « n’ont rien vu bouger sur leurs notes ». Lui au moins, sera crédible, restaurateur Chevalier Blanc !
– Monsieur Migaud, président de la Cour des Comptes, dont il arbore la lettre de soutien comme une légion d’honneur ? J’en doute également, car il serait tombé de sa chaise !
Étudions ces 10 propositions :
-1. Baisser proportionnellement les charges patronales et salariales (du smic à cinq fois le smic brut) pour encourager les employeurs à mieux payer et déclarer leurs salariés.
Il affirme avec raison que les réductions de charges renforcent la smicardisation. Mais il semble oublier que les charges sociales servent à payer les dépenses de santé et que cette mesure, pour peu qu’elle soit légitimement réclamée par de nombreux autres secteurs, plomberait encore plus les finances de la sécurité sociale.
-2. Supprimer toutes les charges pour les petites entreprises de moins de trois salariés pendant quatre ans et subventionner massivement les entreprises sans salariés qui sont souvent les derniers lieux de sociabilité de nos petites villes et villages.
Comme précédemment on peut imaginer le coût pour les caisses sociales sans même que le bâtiment, les fleuristes ou les coiffeurs ne réclament ces mesures. Pourquoi quatre ans ? Et après ? Et quel frein également à l’embauche du quatrième salarié ? M. Bayrou avait proposé en 2007 l’exonération des charges pour deux employés supplémentaires pendant cinq ans.
Subventionner des entreprises dans certaines zones difficiles comme cela se fait pour l’agriculture, je suis bien d’accord, mais pourquoi uniquement sans salariés ?
-3. Favoriser l’investissement pendant les trois prochaines années dans le cadre d’un plan de relance et de modernisation en permettant d’amortir les sommes engagées dans la même année que l’investissement dans la limite d’un million euros.
Un million d’euros ! En voila une mesure qui coûtera également bien cher et qui pourra profiter surtout au plus gros… Cela correspond peut-être aux projets d’investissement de Monsieur Denamur qui termine son décalogue par « innovons ». Pour les projets de moindre importance, le contrat d’avenir a prévu un fond de garantie des emprunts géré par OSEO et que chacun a déjà commencé à abonder en s’acquittant d’une petite taxe. Sans oublier les crédits d’impôts pour les Maîtres-Restaurateurs.
-4. Développer des filières de formation tournées vers les vrais métiers de la restauration, la création et la gestion d’entreprises dans ce secteur où les défaillances sont souvent dues au manque de compétence.
Tout à fait d’accord, mais avec ou sans baisse de la TVA, n’est ce pas en tout premier lieu à l’éducation nationale de s’adapter au besoin du secteur ?
-5. Lutter contre la fraude sociale et fiscale qui crée des distorsions de concurrence insupportables pour les légalistes et mettent à mal notre système de protection sociale et les comptes de l’État, régulariser tous les sans-papiers embauchés avant la nouvelle obligation d’obtenir de la préfecture une autorisation pour tout embauche d’un salarié étranger et sanctionner fortement tous les employeurs qui malgré la nouvelle réglementation auraient à nouveau recours illégalement à cette main d’œuvre corvéable à souhait
Très bien, mais également hors sujet… La fraude sociale perdure encore trop, mais la fraude fiscale, – avec la disparition des espèces et les progrès fait par les impôts en intégrant de nombreux barèmes dans leurs ordinateurs, est minime. Pour les travailleurs sans-papiers, c’est exactement la ligne de l’UMIH.
-6. Obliger tous les acteurs à s’équiper de « caisses enregistreuses légales » (donnant le détail des taxes) et les fournir gratuitement aux très petites entreprises, l’absence de remise de ticket légal est à l’origine de la chaîne de la fraude.
Qui ne remet pas de ticket ou de note légale en France ? C’est un cas de rejet de trésorerie en cas de contrôle.
-7. Restituer une partie de la TVA aux citoyens les plus pauvres pour leur permettre d’aller au restaurant et découvrir de nouvelles saveurs et manières de transformer des produits simples
L’impôt doit être un moyen de redistribution, j’en suis d’accord. Mais sur ce point, Monsieur Denamur fait preuve d’un idéalisme saugrenu. Dans quel monde vit-il ? Si on donne de l’argent aux très pauvres pour manger, ils vont aller acheter des boites dans les hard-discounts, pas dans les restaurants !
-8. Créer une classification des produits servis pour renseigner le consommateur sur ce qu’il va manger (en indiquant si les produits sont frais ou non, fabriqués sur place ou bien préparés ailleurs)
Un autre sujet de nouveau en partie réglé par le titre de Maître-Restaurateur. Cette solution créée pour que le consommateur reconnaisse le vrai professionnel, dont Monsieur Denamur ne parle jamais (car tout ce qui ne va pas dans le sens de « tous pourris sauf moi »), ne l’intéresse pas.
-9. Veiller à la réduction de l’empreinte écologique de ces entreprises, les plus polluantes des commerces de détails (favoriser le tri, la réduction des emballages, les produits frais, etc.)
Tout à fait d’accord, mais cette réduction devra se faire de toute façon, sans conditions et sans coût complémentaire pour qui que se soit, car l’écologie est génératrice d’économies.
-10. Informer et lutter contre le développement des produits saturés en gras, sel ou sucre ayant des conséquences sur la santé et les finances publiques et communiquer sur le rôle d’exemplarité d’une authentique restauration en matière de pratiques alimentaires
D’accord aussi, mais encore une fois cette proposition n’a pas de lien avec le taux de TVA. En tant que responsable syndical, j’essaie toujours de faciliter l’accès à des filières d’approvisionnements saines.
Je ne suis pas économiste et je n’ai pas suffisamment d’éléments en ma possession pour l’affirmer, mais je suis certain que les mesures d’aides que préconise Monsieur Denamur sont aussi, si ce n’est plus, coûteuses que la baisse de la TVA, – avec en plus des effets néfastes. Il transfère en effet la dépense sur les caisses sociales qui n’en ont pas besoin. La préconisation qu’il place en numéro 1 est celle qui serait le plus avantageuse pour ce patron, qui se présente comme social, et qui doit ainsi verser des salaires généreux. On peut moduler la TVA suivant les secteurs d’activités, mais les salariés de ce pays, qu’ils soient dans le journalisme, l’hôtellerie ou l’agriculture suivant le montant de leurs salaires, sont tous à égalité devant les prélèvements sociaux. C’est pourquoi la prime Sarkozy était une véritable usine à gaz pour arriver à un remboursement des ASSEDICS. Il faudrait que les salariés d’autres secteurs payent pour ceux de l’hôtellerie ! Monsieur Denamur ne retient de la réalité que ce qui l’arrange. Comme le rapport de la CPO, paru récemment, qui fait état de l’ensemble des niches et différentes aides aux entreprises. Comme une bonne partie de la presse ne retenant que les trois lignes consacrées à la TVA à 5.5%, il laisse dans l’ombre le montant colossal des réductions (170 milliards). Réductions dont profitent surtout les grosses entreprises et qui relativisent considérablement le coût de la mesure de justice que nous avons obtenue.
Je crains pour la santé de Monsieur Denamur, tant il fréquente les grandes enseignes de restauration pour en dénoncer les publicités mensongères et autres travers. Il fait œuvre utile, c’est vrai, mais pourquoi n’a-t’il ensuite de cesse de faire des amalgames douteux ?. Je partage son inimitié pour ces chaînes qui, quoi qu’on en dise, tirent la qualité du contenu des assiettes vers le bas, mais tout en développant des concepts marketing qui paraissent séduisant. Elles sont l’appendice d’une société ultralibérale qui, je l’espère, est derrière nous. Le libéralisme économique a en commun avec le défunt communisme soviétique de réduire l’offre. D’un coté des magasins d’état tous semblables, de l’autre la concentration de l’offre entre les mains de quelques grands groupes. Si on avait pu ne pas baisser la TVA pour eux, j’aurais signé, mais c’est un faux problème. En effet, ne se sont-elles pas développées à outrance avec une TVA forte ? Elles auraient tué à terme tous les indépendants car leur adaptabilité est grande. C’est le consommateur qu’il faut éduquer.
L’autre bête noire de Monsieur Denamur est l’UMIH, dont il est d’ailleurs membre afin de profiter de quelques avantages… Les clichés sur son site, le montrant trônant dans le fauteuil de la présidence du 22 rue d’Anjou m’ont choqué et ne sont pas à l’honneur de Madame Pujol. Ses accusations tous azimuts vont se retrouver sans fondements avec la reprise en mains de la maison par un nouveau président. D’ores et déjà, il va devoir cesser d’affirmer que l’UMIH refuse les avantages sociaux. Roland Héguy a affirmé que l’accord passé sur la complémentaire santé valait de fait acceptation de l’ensemble du volet social signé par toutes les organisations. Sur la présence du GNC, nombreux sont à l’UMIH ceux qui seront vigilants à ceux que ce ne soit pas lui qui déterminent les décisions.
Aujourd’hui ai-je peut-être fait le tour des différends qui m’opposent au médiatique provocateur, mais je suis conscient que j’aurai toujours une bataille de retard, tant le personnage est réactif. Quant à moi, j’ai une petite entreprise à faire vivre… Du marché du matin jusqu’au salut au dernier client de la soirée, j’ai manifestement moins de temps que lui à consacrer à la polémique. Je regrette, mais je n’en fais pas profession !