De la derniére séance aux Préfets de la République en passant par quelques amalgames

 

 

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 « Blottis l’un contre l’autre sous un même parapluie, le couple marche déjà depuis une dizaine de minutes sur les pavés de la vieille ville. Ils désespèrent de trouver un bar ouvert et ne comprennent pas ; il est à peine  plus de minuit. C’est leur rituel du vendredi soir qui en prend un coup, – déposer les enfants chez les grands-parents, un restaurant sympa, une toile à la séance de 22h et puis un cocktail ou deux dans un bar branché, juste histoire de refaire le film et de ne pas rentrer trop vite. Avec ce crachin et ces enseignes éteintes, les rues sont désertes. Le seul bruit est le crissement des pneus de la voiture de patrouille qui freine à hauteur de trois jeunes à casquettes : contrôle d’identité. La jeune femme a un frisson, il fait froid à Vannes en ce mois de mai 2009. »

Ce scénario est celui qu’aurait rendu possible  la décision qu’avait pris, il y a peu, le Préfet du Morbihan : fermeture des bars et des restaurants à minuit. Oui, il faut bien le comprendre, la lutte contre l’alcoolisme est une priorité du gouvernement. Et d’autre part,  le tapage nocturne est facteur d’insécurité, Notre bon préfet ne tient pas à être le dernier de la classe et doit se bouger. Outre que cet arrêté n’aurait rien changé à l’augmentation exponentielle de l’alcoolisme des jeunes, le risque mortel qu’il faisait courir à des dizaines de petites entreprises ne lui était pas venu à l’esprit. Il a fallu que le Président de l’UMIH départementale, Jean François Serazin, commence une grève de la faim devant la préfecture pour que la discussion s’engage. Pour que cet homme jovial, aux belles bacchantes et un rien enrobé en vienne à cette solution, c’est que la forteresse lui paraissait imprenable. Toute une carrière de syndicalisme de conciliation pour en arriver la ! Près de trois heures de réunion ont été nécessaires pour que le représentant de l’état et ceux de la profession trouvent un arrangement acceptable.

N’y aurait’il pas entre les mains de ces hauts fonctionnaires des pouvoirs excessifs ? Je ne doute pas de leurs qualités d’administrateurs et de leur sens du service de l’état, mais de leur formation. Le plus souvent au sein de la même école basée maintenant à Strasbourg, cet enseignement ne les formate-t’il pas dans des schémas trop éloignés de la réalité du terrain ? Il me semble qu’il y a là une faille de notre démocratie sur laquelle il faudrait réfléchir.

D’autant plus que la remise en cause des décisions de ces puissants barons locaux est maintenant délicate. Un médecin charentais s’est vu convoquer au commissariat suite à une plainte déposée contre lui par le préfet des Pyrénées Atlantiques. Quels sont les faits ? Une famille albanaise en situation irrégulière a été arrêtée à son domicile palois, les parents et les deux enfants de cinq et sept ans ont étés amenés dans un centre de rétention. L’émotion a été grande dans l’entourage de cette famille qui désirait s’intégrer, et a dépassé la région. Le médecin a envoyé un mail signé au préfet pour s’étonner de cette mesure qui lui semblait choquante par le fait d’enfermer des enfants. Il a écrit cette phrase : « cela me rappelle une triste époque où l’on mettait les enfants dans des wagons ». Je pense que ce problème est assez compliqué et mériterai plus d’attention, surtout quand on voit d’un coté l’angélisme des signeurs de pétitions perpétuels, et de l’autre les rodomontades sarkozystes. Pour ma part, je n’aurais pas fait cet amalgame, cependant il est indéniable que l’arrestation d’une famille entière au saut du lit est une image qui rappelle immanquablement cette époque troublée. On ne l’avait jamais vue avant ni depuis. C’est la réaction du préfet qui me choque. La lettre était courtoise, – même avec cette provocation, et étant signée, il était évident qu’elle provenait d’un citoyen qui désirait engager le débat. Que nenni ! convoquez moi cet énergumène au commissariat pour lui apprendre les bonnes manières !

Dans un registre voisin, je lis dans le Sud-Ouest du samedi 30 mai le portrait du patron de la police girondine. Il est sur la sellette après l’interpellation par ses hommes de deux enfants de six et dix ans à Floirac. Il est présenté comme ayant l’obsession du service et la culture du résultat. Il se défend d’être un homme sans cœur et se dit technicien de la sécurité. Alors là,  je sais pas si je dois vous le dire, c’est peut-être dangereux, mais je me suis souvenu de la ligne de défense des personnages aux bancs des accusés pour le procès concernant la triste époque citée plus haut. Certains rapprochements, même s’ils sont hasardeux,  peuvent inciter à la réflexion.

 

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le blog d'un aubergiste, c'est à dire hôtelier, restaurateur et cuisinier de la france profonde. Syndicaliste, humaniste, democrate
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