sauce bearnaise

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J’entends souvent parler de « cuisine électorale », cela se veut péjoratif, mais étant moi-même cuisinier, je vais au lendemain de ces tristes résultats vous montrer la pertinence de cette comparaison.

 

Je prends pour exemple la sauce béarnaise, n’y voyez pas d’ironie, elle n’a de Béarnaise que le nom. C’est en réalité une sauce Bourgeoise inventée à Paris. Elle a la particularité d’être une émulsion assez fragile incluant de nombreux ingrédients qui ne souffrent pas la médiocrité

 

Le ‘chef Modem’ avait au départ les meilleurs produits :  – une analyse exacte de la situation de la France, de l’Europe et du Monde, – un parti tout neuf fait de militants passionnés, des têtes de liste talentueux, – un bon projet, – et un pôle écologiste fort, en phase avec les préoccupations des gens. Lui-même avait une image qui passait bien auprès de la clientèle. C’est un chef à l’ancienne, avec des bases solides. Il a  malheureusement gardé quelques mauvaises habitudes des cuisiniers qui l’ont formé, prompts à la querelle et un peu vantards.

 

« Abus de pouvoir » est un livre excellent, mais qui est mal venu au cœur d’une élection européenne. J’ai été frappé par l’article de Mediapart.fr  « Pourquoi Obama est devenu l’anti-Sarkozy », qui prouve combien la cause est juste. Cependant les adversaires ont eu beau jeu de riposter sur l’obsession de François Bayrou, et ce coup-là a porté. Le débat a tourné à la catastrophe, le chef a paru dissipé, et peu en phase avec son personnage. L’erreur n’était pas de reprocher à Cohn Bendit ses écrits passés, mais celle de pas savoir, pour un personnage central de la vie politique, d’une part que ce livre avait déjà eu son heure de scandale et enfin que l’auteur avait fait son mea-culpa. Une fois de plus, la meute s’est fait les dents sur le jeune parti. Dans le débat, j’ai également noté cette réflexion : « …l’affaire du vin rosé n’est pas essentielle… », je connais des viticulteurs pour qui le vin rosé est l’affaire d’une vie, et j’ai pensé a eux.

 

Pour peu que les autres marmitons aient poussé en douce le feu un peu fort et patatras ! montée magnifiquement, la sauce  est retombée lamentablement. Une sauce ratée, ce n’est pas si grave, on la mènera à la réussite la prochaine fois. Nous nous sommes tiré une balle dans le pied, il faut l’enlever, panser la plaie et réapprendre à marcher. Je suis sûr que François Bayrou va savoir rebondir. Avant de réussir à se faire élire, Mrs Mitterrand et Chirac n’ont pas eu que des postures dignes d’un chef d’état. Le chef est humain, avec ses failles, comme tout un chacun. L’opinion se retournant vite, ne fuyons pas à la première escarmouche.

 

Le ‘chef vert’ a été un des maîtres de la nouvelle cuisine soixante-huitarde. Il a mis toutes sortes d’herbes folles (licites ou pas) dans sa sauce, il a travaillé avec la toque en bataille, adoptant des positions fantaisistes, mais le résultat s’est avéré  conforme, léger et rafraîchissant en pleine gueule de bois mondiale. M. Cohn-Bendit est un peu morveux, éternel lycéen à la Cabu, mais efficace et malin comme un singe. Il a parlé surtout de l’Europe et de l’écologie tout en prenant au piège le seul qui aurait pu lui ravir cette posture : François Bayrou. Le documentaire sur l’état de la planète lui a rallié beaucoup d’indécis, et tant mieux si cela peut faire progresser l’écologie politique.

Je me souviens du score de Bernard Tapie, autre grande gueule de la politique, resté sans lendemain pour son parti. Il faut également se souvenir du score de Dominique Voynet aux présidentielles, alors que la crise écologique était déjà bien entamée.

 

Le ‘marmiton anti-capitaliste’, malgré sa bonne bouille, persiste à faire des sauces un peu trop acides qui rebutent les clients. Clients qui se lassent d’ailleurs vite de la cuisine de collectivité.  M. Besancenot est toujours parfait dans les débats télévisés, attendant sagement qu’on lui donne la parole, – mais son perpétuel sourire en coin inquiète les électeurs toujours peureux du grand soir.

 

Le ‘cuisinier du bistro du coin’ est un de ces chefs gueulards, mais au bon cœur comme je les aime. Sa cuisine est franche et généreuse, il faut avoir de l’estomac pour la digérer, mais elle a des adeptes. M. Mélenchon a réussi son coup, à savoir arriver devant Besancenot qui avait refusé l’alliance. J’aime bien ce Gavroche lettré qui a réussi à envoyer Madame Chabot au diable (elle l’avait bien mérité) sans se faire agonir de reproches le lendemain.

 

Le ‘vieux chef breton’ a passé en partie la main à sa fille. Elle essaye de renouveler la recette en utilisant les mêmes ingrédients que lui, mais ils sont rances depuis longtemps. J’espère que le rideau va se baisser définitivement. Ils ont empoisonné assez de monde.

 

Dans la cuisine de ‘la maison rose’, c’est le merdier complet. Les vrais chefs sont partis en laissant la responsabilité du service aux chefs de partie qui se détestent. Cela me rappelle une scène de bagarre générale dans les cuisines d’un restaurant, dans l’épisode d’un film à sketches italien de la grande époque  « Les  nouveaux monstres » (Dino Risi 1977). La recette a été oubliée et tous les essais sont ratés. Je crois que les socialistes sont plus mal barrés que tous.

 

Le ‘chef du Fouquet’s’ est un petit caractériel autoritaire avec une équipe aux ordres. Comme lui, beaucoup sont des parvenus, sans trop de métier, et ils abusent des produits industriels qui peuvent faire illusion un moment. Cette cuisine est magnifique, avec des couleurs flamboyantes grâce aux colorants, mais elle est très dangereuse pour la santé à long terme…

Si l’UMP croit avoir gagné les élections, son cas est grave.

 

En ce jour de Fête des Mères, nombre des sauces béarnaises ont étés ratés au concours culinaire politique, et d’ailleurs ce restaurant-là était vide. Le mien était bondé, – je vous remercie,  et j’espère que dans ces moments un peu tristes, j’ai pu vous amuser.

 

 

À propos de archestratos

le blog d'un aubergiste, c'est à dire hôtelier, restaurateur et cuisinier de la france profonde. Syndicaliste, humaniste, democrate
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Une réponse à sauce bearnaise

  1. cguillet22 dit :

    Bravo pour votre billet d’humeur (très bon) , il a le mérite de rassembler pas mal des travers de nos chefs cuisiniers, le nôtre compris.

    Il montre encore une fois de plus, en quoi la forme l’ emporte sur le(s) fond(s) [ des gamelles ] dans notre civilisation dite « Moderne » et concentrons-nous sur la rigueur que réclame l’ application de nos recettes déjà écrite et formons les bons apprentis de demain, nos écoles en sont remplies et les listes d’attente s’allongeront encore dans la crise du (bon) goût toujours ouverte.

    Je suis frappé du classement final de ces élections que l’on aurait pu pratiquement faire même avant que les électeurs s’expriment, soit de la façon suivante :
    en partant des moins « critiquants » le pouvoir en place (LE PS est en tête du club, avec juste derrière Europe Ecologie), pour finir àLUTTE OUVRIERE à la 11è place, tous les autres opposants sont divisés et ne ramassent que des miettes ( soit pour le Modem qui lui est le leader des contestaires réels) pour seulement la moitié des voix des 3 premiers qui font plus ou moins allégeance au pouvoir en place ! C’est tout le problème de la cuisine politique, comment faire du sain & bon pour la santé, en se passant de la grande distribution et des puissances financières qui en détiennent les ingrédients les plus basiques ?

    Continuons le chemin et reprenons « nos cartes  » et menus, pour les rendre plus accéssibles au plus grand nombre, et continuons à parier sur l’authentique ?

    Démocrates amitiés !

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