Eté amer

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Je me souviens des étés de mon enfance heureuse et de la sensation d’intense liberté qu’ils me procuraient. Maintenant, j’aime moins cette saison. Peut-être est-ce par dépit de ne pouvoir profiter à ma guise des longues journées de soleil, flemmarder sous la treille avec un bon roman policier et dîner sur la terrasse de salades fraîches en buvant du rosé orangé.

 

C’est une période essentielle pour une auberge semi-saisonnière comme la mienne. Jusqu’à la fin du mois de juillet, je paie mes dettes de la fin de l’hiver, et après, j’engrange pour affronter les frimas à venir. Cela ne se passe pas sans angoisses dès le printemps : trouver, pour compléter les permanents, du personnel fiable et efficace. Et sans savoir si les touristes seront au rendez-vous, car les réservations se font de plus en plus tardives.

Ensuite, c’est pour le chef d’entreprise deux mois de présence permanente, de l’aube à la nuit bien avancée. Deux mois au cours desquels il faut mettre entre parenthèses les autres activités – comme par exemple ce blog. J’essaye juste de préserver quelques heures de marche par semaine.

 

Il est vital d’être attentif à la cohésion de l’équipe et à l’ambiance qui y règne, stimuler mais aussi rassurer en prenant sur soi pour dissimuler son propre stress. Un conflit, même minime au départ, peut avoir des conséquences imprésivibles  jusqu’à nuire à la qualité du travail. La gestion des clients n’est pas non plus chose aisée. Bien sûr heureusement, chez moi, la grande majorité au moins a un comportement agréable, mais il en existe un petit nombre qui compte triple. Un brin capricieux, critiques gastronomiques dès qu’ils sont assis, ils ne sont pas respectueux du personnel. Ou bien ils considèrent qu’ils vont obligatoirement se faire escroquer, car cela a été annoncé en boucle à la télé et à la radio dans les émissions sur les arnaques de l’été. Le sourire et un brin de savoir-faire désamorcent généralement  les velléitaires, mais vous me pardonnerez le petit sentiment de jouissance ressenti en apprenant que les accès à la capitale sont bloqués le dernier week-end d’août.

 

C’est cette période aussi que choisit l’administration pour faire des contrôles, trop souvent dans un style commando. Il faut être parfait, même dans les moments où le travail est le plus intense et ou le temps manque. Que chacun transpose ce principe dans son entreprise pour prendre conscience de ce qui est demandé.

 

Ce mois de juillet restera dans les mémoires de la profession comme le mois de la baisse de la TVA. Petite douceur, mais en contrepartie, il a fallu supporter d’entendre quasi- quotidiennement nos responsables nationaux mal se défendre face à des journalistes qui ont fait du sujet leur marronnier, et de nous autres restaurateurs leur tête de turc.

 

Je me console quand même, parce que si j’étais obligé de prendre mes congés en août,  je n’aurais d’autre solution que de rester chez moi à cultiver mon jardin. Je me vois mal faire la queue interminablement pour visiter un musée, disputer une place de refuge de montagne ou être pris dans un embouteillage de retour de plage. Ce phénomène me surprend toujours tellement il est irrationnel. Alors qu’un français sur deux ne part pas, il faudrait que tout le pays soit en vacances… Les journaux mincissent, la télévision suspend ses rares émissions intelligentes pour redoubler de niaiseries, nos gouvernants partent se ressourcer, suivis par des hordes de photographes, avant de revenir bronzés coûte que coûte aux universités de rentrées…  L’automne est beau à la campagne mais aucun citadin n’en profite. Dommage. Moi je respire…

À propos de archestratos

le blog d'un aubergiste, c'est à dire hôtelier, restaurateur et cuisinier de la france profonde. Syndicaliste, humaniste, democrate
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