L’apprentissage comme panacée ?

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Pour apaiser les émeutes de 2005 dans les banlieues, le gouvernement avait déjà sorti de sa poche un plan « apprentissage » et même, rappelez vous, un apprentissage « junior ». Il est bien dommage que les médias ne s’intéressent pas plus au devenir des politiques publiques. Ce plan a bel et bien été mis en place dans deux ou trois lycées professionnels par département. Je connais des proviseurs à qui cela a créé beaucoup de soucis, les transformant durant une année en quelque chose entre l’assistante sociale et le directeur de pénitencier. L’expérience calamiteuse a fait long feu… Sans me vanter, je l’avais prévu. Elle a surtout servi à ce qu’un ministre ou deux se pavanent à 20h sur les écrans de télévision, malheureusement aussi, à engloutir quelques millions d’euros avec les espoirs d’une jeunesse désabusée.

 

Comme c’est la crise, et que le chômage des jeunes risque à nouveau d’allumer les feux de la révolte, le Président en remet une couche sur les formations en alternance. Tant mieux ! je suis un fervent défenseur de l’apprentissage, – mes actes peuvent en témoigner, et j’espère vivement que des faits concrets suivront ces belles paroles. Au mois d’avril déjà, le Président avait annoncé des mesures : suppression complète des charges sur ces contrats (il y en avait tellement peu que ce n’est pas cela qui coûtera très cher), et prime exceptionnelle de l’état (1800 euros) pour l’embauche du 1er premier apprenti jusqu’à juin 2010. C‘est un bel effort, les dossiers de demande de prime sont d’ores et déjà disponibles. Avec les primes versées par les régions, il faut honnêtement reconnaître que maintenant cet aspect financier est incitatif. Si cela ne marche pas, il faudra chercher ailleurs. Ce 29 Septembre, à l’école Hôtelière d’Avignon, Nicolas Sarkozy a souhaité une meilleure information auprès des jeunes concernant les filières de formation et leurs débouchés. Je suis tout à fait d’accord avec lui. Il a annoncé et je le cite : « la mise en place d’un véritable service public de l’orientation ». Je lui signale en passant qu’il existe en France 600 CIO (centres d’informations et d’orientations) dépendant directement du Ministère de l’éducation nationale. J’ai souvent eu des reproches à leur faire ; maintenant je comprends mieux les raisons, c’est leur existence même qui était douteuse.

Les objectifs sont d’avoir 300 000 apprentis de plus, c’est bien louable .Il va être créé un droit à la formation entre 16 et 18 ans. C’est-à-dire que à chaque jeune sans emploi, les pouvoirs publics seront tenus d’offrir une formation. Les missions locales bien implantées, et qui font déjà un bon travail, je puis en témoigner, seront les pivots de l’accompagnement des jeunes. D’autres mesures, qui semblent positives, complètent le Plan Jeunes. Mais je m’en tiendrai à ce que je connais bien dans l’analyse objective des propositions.

Je crois que les incitations financières en direction des entreprises sont suffisantes ; pourtant nombres de candidats à l’apprentissage ne trouvent pas d’employeurs. Les raisons en sont diverses. Le nombre d’artisans de bouche (bouchers, charcutiers, boulangers, pâtissiers, etc.) a fortement diminué au profit des grandes surfaces. Certains estiment que les règles et les responsabilités attenantes surajoutées pour la protection et la sécurité des apprentis sont un frein à un apprentissage serein. D’autres renoncent, après des expériences malheureuses avec des apprentis soit inadaptés aux règles minima du monde du travail, soit avec des lacunes scolaires trop pénalisantes pour la formation. Certaines entreprises n’ont plus en leur sein les tuteurs disponibles indispensables, souvent en raison d’une productivité intense ne laissant pas de temps à la transmission  des savoirs et au suivi des progrès du jeune. Il faut faire comprendre à ces entreprises,  – que plus que l’aspect financier, l’apprenti est un plus indéniable, car tout en amenant du sang neuf, il oblige à une révision permanente des fondamentaux et à une certaine remise en cause. Un travail de préparation à l’apprentissage après une  évaluation des potentiels des jeunes est également indispensable pour éviter les déconvenues.

Dans la restauration, l’apprentissage a toujours été la voie royale. Ce ne sont pas les maîtres d’apprentissages qui manquent, ce sont les candidats, notamment en zone rurale. Les jeunes préfèrent signer un contrat au restaurant du coin de leur rue, plutôt que de rechercher une maison de qualité qui serait à la campagne, même si le logement est assuré. Il faudrait rétablir l’agrément préalable à la formation d’apprentis pour les entreprises. Elle a été supprimée pour enlever ce qui paraissait etre un frein au développement de l’apprentissage (encore une fausse bonne idée) et payer à l’apprenti mobile une prime incitative.

 

étant membre du Conseil d’Administration de plusieurs Lycées et  CFA,  je connais les difficultés grandissantes qu’ils éprouvent à éviter la paupérisation. Mis en parallèle, sans grands moyens, le futur droit à la formation risque de tourner à la catastrophe : on imagine les proviseurs obligés d’intégrer les 120 000 jeunes de moins de 18 ans déscolarisés, parfois désociabilisés et sans emplois, dans leurs classes déjà surchargées.  Les objectifs chiffrés ambitieux laissent perplexes quand on sait que depuis les lois de décentralisation, ce sont les régions qui gèrent les lycées, et encore plus les Centre de Formation d’Apprentis. Et là aussi, les salaires des enseignants sont à la charge des collectivités locales. Mises en avant également, les missions locales sont principalement gérées par les communes et les groupements de communes.

Une fois de plus, les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Pour faire face à l’ampleur du chantier, les collectivités locales devront « lever impôts » parce que les 400 millions d’euros de ‘primes comprises’ annoncés par le président, sont un soupoudrage très loin des objectifs à atteindre.

Les dés sont pipés. On ne pourra améliorer l’enseignement technique que par l’amélioration des résultats de l’école maternelle, primaire et du collège. Si le gouvernement espère recaser les trop nombreux enfants en situation d’échec dans l’enseignement technique et l’apprentissage, on court à la catastrophe.

 

 

À propos de archestratos

le blog d'un aubergiste, c'est à dire hôtelier, restaurateur et cuisinier de la france profonde. Syndicaliste, humaniste, democrate
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