Je me souviens de cette manifestation pour la baisse de la TVA qui s’était terminée au crépuscule devant Bercy, dans la fumée des gaz lacrymogènes et des feux de poubelles, face aux CRS casqués et harnachés tels des guerriers de science-fiction. Laurent Fabius était alors le locataire des lieux, et nous lui en voulions particulièrement parce que, comme Président de l’Assemblée Nationale, il nous avait soutenus, surtout pour importuner Jospin. Mais une fois arrivé aux finances, il nous traitait par le mépris.
C’est avec une invitation aux états–généraux de la restauration que je franchis le mardi 28 avril les grilles de cet énorme édifice, qui, en fait, est assez réussie architecturalement.
C’est devant un décor de théâtre géant que Hervé Novelli va ouvrir cette journée : une place de ville (plus que de village) avec un café PMU, un restaurant traditionnel et une table exotique pour ne fâcher personne. Pourvu que cela ne tourne pas à la Pagnolade ! Nous avons droit à un bon discours aux mots justes qui se termine par l’annonce de la TVA à 5,5 applicable au 1er juillet. Ovation de la salle. Ce n’est pas rien pour moi non plus, qui depuis dix ans ai participé à toutes les étapes. De bons souvenirs me reviennent à la mémoire. Mais je me rappelle aussi les moments plus difficiles où il était très dur de mobiliser. De plus, nous étions moqués comme les derniers des cinglés qui croyaient encore à ces sottises. Au cours de la journée, un participant fera remarquer que 90 % des restaurateurs français n’avaient aucune idée de ce qui se tramait au cours de cette journée. C’est la vérité ! Qui peut imaginer comme il est souvent difficile de parler au nom de cette profession de farouches indépendants. Cela a été la victoire de la ténacité. Preuve s’il en est ; quand le syndicalisme soutient des causes justes, il peut être efficace et utile.
Le suspense est donc terminé, – bizarre ces états–généraux ou l’on ouvre les cahiers de doléances après avoir édicté la solution !
L’état des lieux est fait, non sans talent, par Bernard Boutboul, qui depuis une dizaine d’année est un personnage autoproclamé « spécialiste » du monde de l’hôtellerie et de la restauration, « observateur, sociologue, expert, conseiller », il n’est plus une instance ou on ne le rencontre. Dommage que sur son blog pas très actif, apparaissent les pubs d’un grand groupe ; cela trouble l’image de cet homme qui ne manque pas de qualités.
Quelques chiffres : Les cafés, bar et brasseries étaient 500 000 en 1900, ils sont 40 000 aujourd’hui.
En France, un repas sur sept est pris hors de la maison, un sur deux aux Etats-Unis.
La France est un des premiers acteurs mondiaux du tourisme. Les 215 000 établissements du secteur emploient plus de 900 000 actifs, soit plus du quadruple des effectifs de l’industrie automobile. C’est le quatrième employeur privé de l’économie française. Ce sont des entreprises non délocalisables qui recherchent chaque année 60 000 nouveaux collaborateurs.
Huit repas sur dix sont vendus à moins de 15 euros, 4 % à plus de 35 euros.
C’est le marché intermédiaire qui semble le plus souffrir.
Monsieur Boutboul fera ensuite un éloge appuyé de la restauration rapide à la française qui serait un exemple de modernité et de renouveau du secteur.
Ensuite vient un petit débat sur cet état des lieux et les perspectives, avec une sage remarque du chef Guy Savoy : nos entreprises ne sont rentables que parce que, à leur tête, se trouve une personne qui cumule quatre ou cinq métiers.
Cette baisse de TVA va, dans un premier temps, nous remettre au niveau de nos concurrents étrangers et nous donner l’envie de réinvestir, faire de nos établissements des lieux culturels, remettre nos salariés au centre du dispositif, et enfin, amplifier le tremplin entrepreneurial qu’est la profession. Tout cela en sachant que ce triptyque consommateur–salarié–investissement sera décliné avec la souplesse nécessaire selon la spécificité et l’autonomie de gestion de chaque entreprise.
Il est certain que nous allons être au cœur de la crise la seule branche professionnelle à ouvrir dans les prochaines semaines des négociations salariales avec du grain à moudre.
Les engagements pris par la profession devront être concrets, lisibles, visibles.
J’avais ensuite choisi d’assister à la table ronde sur les hommes et les femmes qui font la restauration. Séance extrêmement bien débutée par l’intervention de Rouigui Dia, femme chef, d’origine Sénégalaise du 144 Petrossian, et celle de Akram Benalall, franco-algérien de 26 ans, chef d’un restaurant de palace. Moment magique ou ces deux jeunes gens, exemples de l’intégration réussie – à laquelle peut très largement participer la restauration, ont fait passer leur passion du métier. Sans tabous, ils ont évoqué la transmission du savoir, comment partager et ne pas dégoûter, entretenir la flamme par l’exemple, et surtout le respect.
Revalorisation de la grille, amélioration de la protection sociale, qualité de vie, volonté de rentrer dans le droit commun sur les heures supplémentaires, travail à faire sur l’orientation (notamment sur la notion de service qui n’est pas dégradante) ont amené une certaine adhésion des participants.
Stéphane Soumier (journaliste à BFM) était tout à fait dans son rôle quand il a essayé d’approfondir les points qui fâchent. Comme la disparité sociale entre les entreprises, les nombreuses ruptures de contrat d’apprentissage, etc. Cela lui a valu une tirade « surjouée » de Dany Deleval (vice présidente de l’UMIH) rappelant que l’ont vivait un jour historique qui allait tout changer et qu’il était mal venu de reparler du passé. Je la sais sincère et j’ai de l’admiration pour cette femme. Par contre, je ne suis pas tout à fait sûr, comme elle, que les comportements d’un autre temps – qui font du tort au métier, vont disparaître de suite. A une question de Françoise Petrucci (de l’ambassade d’Auvergne) sur des problèmes de management, Christine Pujol, présidente de l’UMIH, a répondu qu’elle compatissait ! Elle n’a pas été élue pour cela.
Arrive l’heure du déjeuner. Devant un buffet de toutes les couleurs mais mou et fade, on voit beaucoup de têtes connues, vieux briscards du syndicalisme avec lesquels je me sens pas toujours très à l’aise, et donc je préfère m’échapper. Une bonne bavette sauce béarnaise avec des frites, un verre de Brouilly, une assiette de bons fromages, le tout servi avec sourire et efficacité dans une brasserie du coin. Ouvriers en bleus et cadres des finances au look étriqué se côtoient dans une ambiance bruyante et chaleureuse entretenue par les blagues du patron servies aux clients et aux employés. C’est cette restauration que j’aime aussi, elle a peu changé, mis a part les serveuses en jean’s et les cuisiniers en majorité blacks et visibles depuis la salle. Je compte une dizaine d’employés ; elle est ouverte tous les jours, cela doit bien faire une équipe de vingt-cinq personnes au total. Une petite entreprise. L’addition annonce 35 euros avec le café… ils pourront appliquer un peu de baisse.
J’aurais dû m’arrêter là, – je l’ai pensé plus tard, mais je suis consciencieux, alors retour au ministère pour écouter Madame Lagarde énumérer ses grands mérites, à savoir : tour d’horizon de sa politique fiscale et économique et récit titanesque de la façon héroïque dont elle a arraché la baisse de notre TVA. Quand on sait qu’elle était contre et que c’est le Président qui a dû lui forcer la main ! Merci beaucoup Madame !
Hommage mérité de la salle décerné à Monsieur Daguin, puis signature du contrat d’avenir. Suprématie incontestable à l’applaudimètre de la présidente de l’UMIH au moment de s’asseoir à la table des signatures. A l’opposé, humiliation des représentants des autres syndicats qui n’avaient réussi qu’à rameuter quelques collègues ou membres de leur famille pour leur faire la claque.
Le contrat d’engagement est détaillé, et présente quatre engagements : la baisse des prix, la création d’emploi, l’amélioration de la situation des salariés et les nouveaux investissements. Sa mise en application sera vérifiée, mais on ne parle pas de mesures de rétorsion.
Brice Hortefeux s’est excusé de son absence, mais il a envoyé un message de blablas et redites. Blablas et redites aussi avec les deux autres ministres Mrs Wauquiez et Chatel. Que d’honneurs !!!
Le micro se déplace dans la salle, pour entendre ceux qui pensent que plus rien ne sera comme avant et ceux qui voudraient le beurre et l’argent du beurre. Il y a franchement désordre. Décidément, Christine Pujol devrait travailler mieux sa communication : à chaque fois qu’on lui donne la parole, de façon inopinée, il n’en sort rien de concret ou des bêtises. Comme lorsqu’elle a affirmé qu’il fallait se lancer dans le développent durable, parce que cela plaisait à nos clients ! Cela lui a valu une remarque outrée du représentant des Parcs de Loisirs qui lui a rappelé que la planète était en danger. Dominique Giraudier, président du groupe Flo, – le serviteur zélé des fonds de pension américains, est venu faire outrancièrement sa pub de façon démagogique. Il voudrait embaucher les salariés licenciés de Flain. Quand on lui demande les solutions à l’organisation du travail, il répond « temps partiel ». Les caissières de supermarché ne sont pas loin.
Outrecuidance enfin de l’inénarrable Jacques Marseille qui est venu encore vanter la mondialisation qui, selon lui, profite au tourisme. Imaginez-vous qu’il ne va pas au restaurant pour ce qui est dans l’assiette, mais pour tout le reste ! Flora Mikula, la savoureuse restauratrice, lui a demandé s’il mangeait les rideaux…
Décidément, j’aurais dû aller faire un tour en ville, la matinée aurait suffi.
Merci pour ce témoignage, très intéressant. Dommage que la question de fond de la baisse de la TVA ne soit pas abordée. Je ne pense pas que le consommateur-contribuable puisse s’y retrouver. J’en ai jait un billet :
http://exigencedemocratique.blogspot.com/2009/04/chaque-annee-3-milliards-vont-partir-en.html#comments
et j’ai répondu à votre commentaire en dessous.
J’ai été surpris de lire ici que 80% des repas coutent moins de 15 euros… Qu’entendez-vous par ‘repas’ ? Le plat du jour ?
Bonjour,
Merci de vos remarque, le fond je l’ai quand même abordé parce que je fais mienne les reflexions suivantes entendues aux etats generaux » nos entreprises ne sont rentables que parce que à leur tête se trouve une personne qui cumule 4 ou 5 métiers.
Cette baisse de TVA va déjà nous remettre au niveau de nos concurrents étrangers et donner l’envie de réinvestir, faire de nos établissements des lieux culturels, remettre nos salariés au centre du dispositif, amplifier le tremplin entrepreneurial qu’est la profession. Tout cela en sachant que ce triptyque consommateur, salarié, investissement sera décliné avec souplesse selon la spécificité et l’autonomie de gestion de chaque entreprise.
Ce qui est certain c’est que nous allons être au cœur de la crise la seule branche professionnelle à ouvrir dans les prochaines semaines des négociations salariales avec du grain à moudre.
Les engagements pris par la profession devront être concrets, lisibles, visibles.
»
En ce qui concerne les phrases qui vous ont bien plus elles demontrent mon esprit critique, je savais bien que l’on pouvait me les renvoyer comme argument contraire mais j’ai mis ces reflexions car elles m’ont frappé egalement.
Ce n’est pas uniquement pour des raisons electoraliste que monsieur Sarkozy a baissé la TVA. Il y a aussi que cela fait ressortir que Chirac l’avait promis et pas fait et je pense que comme moi il est convaincu qu’il s’agit d’une bonne mesure de relance. Sachez que je n’ai pas voté Sarkozy la derniere fois et que je ne le ferai pas la prochaine non plus.
Pour ce qui est du coût si cela vous interesse lisez le dossier qui est sur mon blog » les vrais chiffres » et aussi mon dernier billet que j’ai posté dans le cadre de l’operation de pedagogie que j’ai entrepris. On ne peux pas parler plus de restauration francaise homogéne que d’agriculture francaise homogéne.
Je voudrais rapeller que en 2002 la quasi totalité des candidats à l’election presidentielle nous avait promis que si l’europe le permettait ils nous baisserait la TVA. du PC au FN. Francois Bayrou n’as jamais dit que c’etait une mauvaise mesure. Martine Aubry l’avait ecrit dans le programme du PS, elle dit maintenant que ce n’etait pas le moment,mais ne critique pas le fond. Pourquoi aider l’industrie automobile ( 4 fois moins de salariés) delocalisables et qui le seront quand même et ne pas mettre fin à une injustice fiscale qui va dynamiser un secteur pourvoyeur d’emploi
merci
dimanche, 03 mai, 2009