J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de Monsieur Boutboul lors de mon compte-rendu des états- généraux de la restauration. Je trouve ce personnage assez amusant, d’un abord sympathique ; il est devenu un « expert » du marketing de la restauration, jusque dans l’excellent journal « L’hôtellerie ». Il y donne un grand nombre de conseils pour doper les recettes des restaurants.
Le numéro du 28 mai fait une large place à l’enquête de son cabinet sur la restauration en 2008 et au final il donne une interview.
Les réponses à deux questions m’ont fait tomber de la chaise.
La première, à savoir si les indépendants doivent entrer dans la guerre des prix, Monsieur Boutboul répond que la spirale à la baisse est très dangereuse et, pour cela, il a raison. Mais il rajoute aussitôt, et je le cite : « les chaînes vont être encore plus actives, notamment en matière de communication et de marketing pour attirer le consommateur et lui redonner du pouvoir d’achat de différentes façons. Il est donc très important que les indépendants ne restent pas passifs, encore moins à partir du 1er juillet. » Il pense donc qu’il n’est pas opportun que les indépendants restaurent leurs marges, mais collent plutôt aux chaînes, – qui comme je l’ai déjà expliqué ont un système de gestion de type industriel. Les notions de rapport qualité/prix et de différenciation de l’offre n’interviennent nulle part. A-t-on déjà vu le petit commerce réussir à se battre avec les grandes surfaces sur le terrain des prix ?
Je vous livre in extenso la deuxième question et sa réponse :
« A part les prix, sur quoi doivent jouer les indépendants ? »
« L’indépendant devrait regarder de près ses fondamentaux. La définition est simple : une assiette correcte, dans un endroit sympathique et propre avec des gens souriants. C’est une arme plus facile à manier pour les indépendants que pour les chaînes. Il faut aussi prendre en compte le changement des rythmes de vie. Même si nous ne sommes pas des Anglo-saxons qui mangent toute la journée, le consommateur trouve les horaires un peu trop rigides. A 14 h, on ne prend plus de clients. On ne peut plus faire ça et encore moins quand on est le premier pays touristique au monde. »
Cela mérite une analyse de texte. D’abord il y a l’affirmation induite que des fondamentaux aussi basiques que ceux cités sont plus difficiles à atteindre pour les chaînes, par rapport aux indépendants. Quid, là aussi, des notions de qualité des produits alimentaires, d’authenticité, de reconnaissance du client ?
Pour terminer, la question des horaires trop rigides : jusqu’à maintenant la profession a pâti, auprès des candidats à l’emploi, de l’image négative portée par la difficulté des indépendants à s’adapter aux amplitudes de service toujours plus tardive. La baisse de la TVA peut aider à apporter les solutions en complétant les équipes. Monsieur Boutboul en rajoute une couche : nous ne sommes pas Américains, mais il faudrait faire comme eux, manger n’importe quand. Sur ce terrain-là, les chaînes et leurs 3×8 seront toujours meilleures aussi. Ne vaudrait-il pas mieux faire comprendre aux consommateurs qu’il y a des différences et que tous les types de restauration ne demandent pas le même investissement humain ? Je suis persuadé qu’ils sont capables de l’entendre s’ils savent encore ce que c’est que de ressentir une émotion gastronomique (quel que soit le prix du menu). S’ils ne vont plus au restaurant que pour se nourrir avec les rideaux et une nourriture « conceptisée » et fade, alors tout est foutu !
Je me demande si cela ne ferait pas plaisir, en définitive à Monsieur Boutboul ; il fait tellement les louanges des établissements de chaînes et il a la dent très dure pour les indépendants (à voir sur son blog http://bboutboul.canalblog.com/). On peut se poser légitimement la question de savoir pour qui il travaille ?