En cinq syllabes prononcées sur un ton péremptoire, « on la supprime », Martine Aubry, première secrétaire du parti socialiste, a renvoyé brutalement le presque million de personne qui font le monde de la restauration, dans la catégorie vouée aux gémonies des profiteurs du régime sarkozyste. Ainsi la bande du Fouquet’s et la jet-set exilée en Suisse se retrouvent dans le même panier que cuisiniers, plongeurs et maîtres d’hôtels qui ont bénéficié enfin, cette année, grâce à la baisse de la tva, de justes compensations à leur travail décalé. Les petits patrons qui étaient jusqu’alors les champions du dépôt de bilan, – dans lequel ils laissaient souvent leurs chemises, devront rendre gorge, comme la patronne de l’Oréal. Ah, moi qui pensais, bien que je sois propriétaire de mon outil de travail, faire partie des prolétaires, parce qu’avec mes bras, mes mains, ma tête, je suis vaillant à la tâche tous les jours ! Alors que je l’ai trouvé plutôt évasive, à la télé, sur le sujet des retraites, en revanche, pour ce qui concerne la TVA sur la restauration, l’uppercut était bien envoyé. Pas de solutions de remplacement à étudier. Elle sait même déjà ce qu’elle va faire de l’argent récupéré : donner 200 euros à seize millions de familles des plus pauvres afin de relancer le pouvoir d’achat. Que voulez-vous donc dire face à cela, sans endosser l’habit d’indignité que l’on veut vous faire porter ?!
Elle devrait nous remercier, et remercier le président Sarkozy, pour lui fournir le financement de cette mesure hautement électoraliste que ne renierait pas l’inénarrable Serge Dassault à Corbeil-Essonnes. Madame Aubry n’a pas précisément dit comment elle s’y prendrait pour récupérer les 100 milliards qui manquent dans les caisses de l’état. Manque dû aux cadeaux fiscaux faits aux plus riches et aux grosses entreprises. Elle n’a pas dit non plus ce qu’elle en ferait, mais pour nous, ça colle exactement, pas besoin de calculatrice, cela totalise trois milliards ! Les socialistes m’inquiètent, puisqu’ils n’ont toujours pas compris que les temps ont changé et que 200 euros par an et par famille ne sont rien, tant le sentiment d’injustice et les difficultés de vivre grandissent dans ce pays, sans que cela soit forcément une question de pouvoir d’achat. Le malaise est plus large.
Peut-être a-t’elle de vieux clichés dans l’esprit, – nous serions prêt à voter en masse pour son concurrent à la présidentielle. Autant nous sacrifier de suite pour gagner à gauche ! Un sondage de 2007 du journal « l’Hôtellerie » montrait que notre sociologie politique ressemblait, à peu de choses près, à celle de l’ensemble des français. Il est loin le temps du Poujadisme puis du CID-UNATI, proche des idées d’extrême droite. Ces gens-là faisaient le coup de poing avec les CRS et mettaient le feu aux hôtels des impôts pour sauver les petits commerces. Partis sans Te Deum, avec les merceries, papeteries, drogueries et autres épiceries, balayés par les hyper marchés du libéralisme triomphant.
Voilà bientôt quinze ans que, toujours pacifiquement, nous avons manifesté notre désarroi face à l’injustice fiscale que nous subissions. De tout côté nous avons cherché à convaincre. Madame Aubry a-t-elle oublié que depuis 2002 c’était au programme de pratiquement tout les partis politiques, depuis les communistes jusqu’au front national, en passant par le PS ? Sous l’ère Jospin les députés de droite déposaient chaque année des amendements à la loi de finances dans ce sens. Les députés de gauche faisaient la même chose sous l’ère Chirac.
La mesure était alors populaire, et c’était alors de l’électoralisme ? Elle est impopulaire aujourd’hui, car victime principalement de la tyrannie de l’opinion publique, constituée avec le journalisme, comme déjà le dénonçait Tocqueville au 19éme. Donc à l’approche d’une échéance qui se promet violente, le même électoralisme lui fait changer d’avis ?
Les restaurateurs et leurs employés (le syndicat FO s’est dit satisfait de la baisse de la TVA et de ses conséquences) sont désespérés de voir qu’en cas d’alternance, il faudra à nouveau se battre. La première des socialistes prétend vouloir aider les PME, et elle voudrait de nouveau nous mettre en très grand danger ? Elle envisage de se battre pour l’emploi des jeunes et ne voit pas que nous sommes sur ce point des acteurs performants. La radicalité du combat droite-gauche à l’approche de la présidentielle fait toujours naître, malheureusement, des postures, de circonstance, parjures. Au risque de déplaire à madame Aubry, dans un mois, au congrès de Biarritz j’applaudirai le ministre Novelli qui nous défend bec et ongle, comme avait été applaudi aussi chaleureusement Michèle Demessine en 1999, excellente ministre communiste du tourisme au congrès de Paris. Je ne voterai pas Nicolas Sarkozy pour autant !
Est-ce une chose que madame Aubry, en oubliant son ton cinglant à mon égard, peut comprendre ? Allez savoir…
Cher aubergiste,
l’ approche sociétale de Martine Aubry est inquiétante par son manichéisme et sa démagogie.
Je refuse cet amalgame inique entre l’oligarchie sarkozyste et des restaurateurs qui ont un tort : avoir obtenu l’équité fiscale !
Une analyse plus fine des emplois sauvés et créés grâce à cette mesure, l’étude d’une « loi » de péréquation valorisant la masse salariale de nos entreprises devraient être des pistes de réflexion politique.
L’orthodoxie n’autorise pas l’imagination au service de la modernité et des changements profonds dont notre Pays a besoin.
Bien à vous.
Philippe Quintana