Décryptages…

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‘Envoyé spécial’ est une émission-phare de la télévision publique, cela devrait donc nous garantir vérité et éthique de l’information. Que penser de ce qui est présenté comme une enquête sur la TVA réduite dans la restauration, où le mot « cadeau fiscal » est prononcé au moins une vingtaine de fois ? et ce, dès la présentation par l’animatrice en plateau ? L’affirmation est faite : c’est un cadeau fait à des nantis mauvais citoyens. En choisissant les images les plus percutantes, les journalistes vont s’ingénier à le démontrer.

Une première histoire, bien réelle, est arrivée à Thonon. Un restaurant de sushi installé depuis deux ans, avec des prix à la carte assez élevés, (d’après ce que nous avons pu constater), applique la baisse intégrale de la TVA sur tous ses prix. Il appose donc l’autocollant distribué par les organisations syndicales. C’est un très bon élève, car il va très au-delà des engagements de la profession, ce qui lui permet d’avoir des articles élogieux dans la presse locale. Malheureusement, au passage, il se permet d’égratigner assez durement les collègues de la place qui sont beaucoup moins vertueux. Ceux-ci le prennent mal, vont le lui dire et la discussion tourne au vinaigre sans toutefois en venir aux mains. La vitrine du gentil est taguée la nuit suivante. Méthode inacceptable. Les reporters de France 2 s’en vont, en caméra cachée, comme il se doit, car aucun méchant n’a accepté de répondre. Explications plus ou moins vaseuses, mais cela importe peu, avec la camera cachée et les visages floutés, (techniques utilisées de plus en plus à la télévision pour dénoncer les pires escroqueries ou crimes), la démonstration est faite.

Dans la deuxième scène, le même procédé est utilisé pour interroger des employés qui dénoncent les turpitudes des patrons. On chemine ensuite dans les rues de Paris avec une association de consommateurs (dont j’ignorais l’existence) qui relève les prix affichés par les établissements. Quelle satisfaction, car ils n’épargnent pas les restaurants de chaînes en démontant leur communication. Par contre, on entend pas mal d’approximations sur l’application de l’engagement pris par les restaurateurs. Le menu du jour à moins de douze euros, – ce qui représente le gros des ventes d’un restaurant avec peu de choix, a baissé de 50 centimes. C’est un effort qui rentre dans les engagements du plan d’avenir.

Troisième anecdote, concernant un restaurateur indépendant qui a bien appliqué la baisse. C’est un établissement florissant, bien situé et qui fait ses 200 couverts par jour. Restaurant pas choisi au hasard, car peu représentatif de la très grande majorité des entreprises qui ont moins de dix salariés, afin de démontrer que ce patron n’avait pas un besoin vital de la mesure.

Le summum de la manipulation est atteint quand on exhume le « Tricatel » des années 70. Jacques Borel, l’octogénaire à la petite moustache, gilet et costume cintré, est effectivement à la tête d’un club TVA de son cru. Il l’a créé seul en faisant cracher au bassinet les chaînes chez qui il est respecté, car il fut un précurseur en la matière. Il s’est agité d’un bout à l’autre de l’Europe tout en flattant sa tendance égocentrique, qui est peut être mâtinée d’un soupçon de mythomanie. Quid de André Daguin et des milliers de restaurateurs dans les rues depuis 1995 ? On oublie que ces manifestations nombreuses, mais sympathiques, avaient amené toute la classe politique, ainsi que l’opinion publique, à soutenir la revendication. Il parait bien plus intéressant de montrer Borel comme un petit marquis de la mafia sicilienne qui aurait empoché un million d’euro de la part de mystérieux et puissants lobbies.

L’incontournable Xavier Denamur a ensuite dénoncé, tout comme moi dans ce blog à l’époque, l’envoi aux restaurateurs du bulletin d’adhésion à l’UMP. Il se pose la question de savoir où ils ont trouvée son adresse ? En insinuant comme sur son blog que c’est les organisations syndicales patronales qui l’ont communiquée. Ridicule ! Comme si les fichiers d’adresses par profession ne se revendaient pas allégrement par les CCI et les annuaires téléphoniques, nous générant ainsi des centaines de pub ciblées.

Un sursaut d’éthique de l’information arrive en fin de reportage. Constat d’un petit restaurant de qualité, en difficulté financière, et pour qui la baisse de la TVA est indispensable. Rappel aussi indiquant que 2000 entreprises ont baissé le rideau en 2008…

PS. Le titre est un clin d’œil à Christine Pujol qui en a bien besoin

À propos de archestratos

le blog d'un aubergiste, c'est à dire hôtelier, restaurateur et cuisinier de la france profonde. Syndicaliste, humaniste, democrate
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